Pierre Tranchand
Il n’est pas un seul dessinateur de BD qui ressemble à un autre dessinateur de BD. D’ailleurs, cette affirmation reste vérifiée avec les dessinatrices de BD. D’aucun se jettent dans les bras de leur canapé relaxe, après avoir lu la première page du scénario proposé tout en marmonnant cinq à six cent grammes d’angoisse existentielle :
– J’y arriverai jamais… J’y arriverai jamais…
D’autres, très enthousiastes, ont déjà griffonné vingt pages de crayonnés, avant de découvrir dans les deux pages suivantes le descriptif détaillé de la mise en scène. Genre un affrontement entre deux mille cavaliers et une armada de drakkars vikings envahisseurs. L’excuse pour abandonner le projet est souvent abusive :
– Euh… Je ne sais pas bien dessiner les épées…
Puis il y a les laborieux et les puristes, celles ou ceux qui passent des journées entières à chercher les documents soi-disant nécessaires :
– C’est pour une BD réaliste qui se déroule au Moyen-âge, je cherche le rayon en millimètres d’un bouton de braguette d’époque…
N’oublions pas les fainéants, les malins faisant passer leurs gribouillis pour un effet de style tout à fait singulier. (Non, je ne donnerai aucun nom !)
La liste pourrait s’allonger encore, mais elle resterait inutile car Pierre Tranchand, dit Pica, n’est assurément aucun de ceux-là ! Son dessin est classique, tout simplement classique, certes, mais directement issu du savoir-faire de ses Maîtres incontestables, comme Uderzo par exemple. Je parierais volontiers que le jeune Pica adolescent a su observer, copier et surtout comprendre où se situe le génie dans les planches du créateur d’Astérix. Fort de cet enseignement, Pica est venu rejoindre le clan des virtuoses, malheureusement pas assez connu du grand public, sauf depuis Les Profs, la série qui les a, avec Erroc le scénariste, propulsés au premier rang… De la classe !
Mais le hasard n’existe pas. Le talent et le travail sont la véritable raison de ce succès. En effet, Pica sait tout dessiner, absolument tout ! Même deux mille cavaliers affrontant une armada de drakkars avec des épées ! Et ce, presque à la vitesse de la lumière. Il n’aurait pas non plus besoin des cotes d’un bouton de braguette au Moyen-âge. Il sait bien que la braguette à cette époque était une simple fente de tissu fermée par un lacet ! Quelle que soit la demande du scénariste, Pica saura toujours la traduire en images dessinées avec des décors, des personnages et leurs attitudes représentés à la perfection…
Dans cette exposition, vous retrouverez Les Profs, édités chez Bamboo et adaptés au cinéma, mais également tous ces personnages attachants, comme Chafoin et Baluchon, Smith et Wesson, Monster Hotel, L’école Abracadabra… Et bien d’autres encore, comme Marine la petite pirate, un bijou d’univers. Le nombre de séries, scénarisées par Corteggiani, est phénoménal ! Le nombre de planches dessinées incroyable ! Qui d’autre que ce dessinateur-bosseur-passionné peut tenir un tel rythme avec un tel souci de perfection, à part Uderzo ? Si, il y a Pierre Tranchand ? Et n’oublions pas Pica, mais Pica c’est Tranchand, alors in fine il n’y en aurait que deux, l’élève et son Maître ? Allez, avec une telle quantité d’auteurs dans le milieu, il doit bien être possible de rajouter quelques noms à cette liste, mais pas des tonnes, croyez-moi. Je lance une enquête…
G. Cousseau dit Gégé
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